Paiements en Bitcoin : Steak ‘n Shake passe à la caisse en crypto
Les paiements en Bitcoin font une entrée remarquée dans l’univers du fast-food américain. La célèbre chaîne Steak ‘n Shake vient en effet d’annoncer qu’elle accepte désormais le Bitcoin comme moyen de paiement dans l’ensemble de ses restaurants aux États-Unis. À partir du 16 mai prochain, il sera possible de régler son steakburger et son milkshake en BTC dans plus de 400 établissements du groupe – une première d’une telle ampleur dans la restauration rapide. Retour sur cette annonce, son contexte, les réactions qu’elle suscite, et ce qu’elle implique pour l’adoption des cryptos au pays de l’Oncle Sam.
Sommaire
Une annonce officielle sur fond de buzz
C’est sur les réseaux sociaux que Steak ‘n Shake a officialisé la nouvelle. Le 9 mai, un message posté sur X (ex-Twitter) par le compte officiel de la chaîne a confirmé l’arrivée du Bitcoin en caisse : « Steak n Shake accepting Bitcoin payments at all locations starting May 16, making the cryptocurrency available to our more than 100 million customers. The movement is just beginning… – Steaktoshi », pouvait-on lire, le tout signé du pseudonyme « Steaktoshi » en clin d’œil à Satoshi Nakamoto, le créateur du Bitcoin. L’annonce a immédiatement fait du bruit, d’autant qu’elle avait été savamment préparée en amont. Dès mars, Steak ‘n Shake avait semé les indices avec un tweet énigmatique – « Should Steak n Shake accept Bitcoin? » – qui a attiré plus d’un million de vues et même une réponse approbatrice de Jack Dorsey, cofondateur de Twitter et figure pro-Bitcoin, répondant simplement « yes ». La marque a également diffusé des images teaser, comme une fusée aux couleurs de Bitcoin, alimentant rumeurs et excitation parmi les fans de crypto. En quelques semaines, Steak ‘n Shake a réussi à convertir cette curiosité en buzz viral, préparant le terrain pour une annonce retentissante.
Pourquoi un tel engouement de la part de ce roi du steakburger ? Le contexte joue en sa faveur. Le Bitcoin vient de dépasser le seuil symbolique des 100 000 $ l’unité, renouant avec des sommets historiques. Jamais la crypto n’a été autant sous les projecteurs, ce qui offre à Steak ‘n Shake une occasion en or de surfer sur la tendance. Par ailleurs, l’enseigne multiplie récemment les clins d’œil à des communautés tendance – qu’il s’agisse des adeptes de vie saine (en faisant revenir la cuisson à la graisse de bœuf) ou des fans de nouvelles technologies. L’initiative Bitcoin s’inscrit donc dans une stratégie marketing bien rodée : faire parler de la marque en s’adressant directement aux publics passionnés. « The movement is just beginning… » (« Le mouvement ne fait que commencer… ») a tweeté la chaîne – et ce mouvement, Steak ‘n Shake entend bien en être l’un des pionniers dans son secteur.
Bitcoin à la caisse : comment ça marche ?
Reste une question pratique : comment, concrètement, payer en Bitcoin son menu Steak ‘n Shake ? Sur ce point, la chaîne n’a pas encore révélé tous les détails. Aucune information précise n’a filtré sur l’infrastructure technique ou le partenaire choisi pour traiter ces transactions en crypto. Dans bien des précédents, les commerçants font appel à des sociétés spécialisées (telles que BitPay, Coinbase Commerce ou le réseau Flexa) qui se chargent de convertir instantanément le paiement en dollars. Il est donc probable que Steak ‘n Shake utilise un système similaire : par exemple, un terminal de paiement ou une application mobile qui génère un QR code à scanner avec son portefeuille Bitcoin, le montant étant converti en USD en temps réel en coulisses.
Une inconnue demeure également sur le réseau utilisé. Le paiement pourrait passer par la Lightning Network, une surcouche du réseau Bitcoin conçue pour des transactions instantanées à très faible coût – un atout non négligeable pour régler un burger en quelques secondes. Là encore, Steak ‘n Shake n’a pas confirmé s’il comptait supporter Lightning, ou s’il traitera les paiements directement sur la blockchain Bitcoin classique. Cette distinction est importante : sans solution de deuxième couche, payer un repas en Bitcoin pourrait prendre une dizaine de minutes de confirmation et impliquer des frais de transaction parfois supérieurs à la commission d’une carte bancaire – un frein certain dans le contexte d’un fast-food. On peut imaginer que la chaîne optera pour la voie la plus fluide possible afin que l’expérience client reste fast même en crypto. Enfin, un autre choix stratégique sera scruté de près : Steak ‘n Shake conservera-t-il les bitcoins reçus (« HODL ») ou les convertira-t-il immédiatement en devise fiduciaire ? Là-dessus aussi, mystère. Conserver des BTC représenterait un pari sur l’appréciation future (avec le risque de volatilité que cela comporte), tandis qu’une conversion immédiate réduirait les risques mais ramènerait l’opération à un simple échange crypto-fiat. Quoi qu’il en soit, la mise en place technique sera déterminante pour le succès de l’opération, et la communauté crypto attend de pied ferme des précisions avant le jour J.
Réactions des clients et de la communauté crypto
L’annonce de Steak ‘n Shake a déclenché une vague d’enthousiasme parmi les adeptes de cryptomonnaies. Sur les réseaux sociaux, de nombreux Bitcoiners saluent une avancée majeure pour l’adoption du BTC dans la vie quotidienne. Le fait qu’une enseigne grand public de cette taille se lance à l’échelle nationale est perçu comme un signal fort. « Un pas de géant pour Bitcoin », titrent en substance plusieurs médias spécialisés, qui voient dans ce déploiement massif un jalon symbolique pour l’usage de la crypto au quotidien. Bitcoin Magazine parle ainsi d’un « cap clé » dans l’adoption réelle de BTC, tandis que d’autres soulignent le caractère audacieux de la démarche – là où d’autres chaînes se sont contentées de tests limités, Steak ‘n Shake y va franchement, sans projet pilote restreint. En somme, l’initiative a été largement applaudie par l’écosystème crypto, qui y voit la concrétisation d’un rêve : pouvoir dépenser ses satoshis aussi facilement que l’on achète un hamburger.
Du côté des clients plus classiques, la réception est plus mitigée. Certains curieux y voient une occasion de finalement utiliser les cryptos qu’ils possèdent, quand d’autres avouent ne pas vraiment voir l’intérêt de payer leur déjeuner en Bitcoin plutôt qu’en dollars. Historiquement, les consommateurs équipés en crypto ont souvent préféré conserver leurs bitcoins en espérant leur prise de valeur, plutôt que de les dépenser pour des achats du quotidien. Payer son menu en BTC signifie en effet se séparer d’un actif dont la valeur peut augmenter – « dépenser ses satoshis, c’est sacrifier une possible plus-value future » pensent nombre de hodlers. À l’inverse, les convaincus rétorquent qu’utiliser Bitcoin comme monnaie d’échange est fidèle à sa vocation initiale et contribue à sa démocratisation.
Les analystes du secteur, eux, adoptent un optimisme prudent. Ils soulignent que si l’effet d’annonce est excellent pour l’image innovante de Steak ‘n Shake, l’usage réel de cette option de paiement restera à surveiller. Qui paiera effectivement en Bitcoin chez Steak ‘n Shake ? Pour l’analyste moyen, cette initiative relève autant du coup de communication que du véritable service novateur. « Même si 100 % des restaurants l’acceptent, seul un pourcentage infime des ventes risque d’être effectué en crypto au début », estime-t-on. Néanmoins, cette proportion pourrait croître avec le temps, surtout si le cours du Bitcoin se stabilise ou que des incitations (réductions, programmes de fidélité en crypto…) sont mises en place. En interne, la direction de Steak ‘n Shake affiche en tout cas sa confiance : « Notre objectif est d’utiliser Bitcoin dans tous nos restaurants, y compris à l’international – chaque pays communiquera sa propre date de lancement », a déclaré Dan Edwards, directeur des opérations, suggérant qu’après les États-Unis, les unités Steak ‘n Shake d’autres pays pourraient suivre le mouvement. L’engouement est donc réel, mais teinté d’une certaine attente quant à la mise en œuvre et l’adoption sur le terrain.
La crypto s’invite à table aux États-Unis
Steak ‘n Shake n’est pas la première enseigne à tenter l’aventure des paiements en crypto, signe que le phénomène gagne du terrain aux États-Unis. Dès 2022, la chaîne de burritos Chipotle a commencé à accepter les règlements en cryptomonnaies (Bitcoin, Ether, Solana et des dizaines d’autres) via un partenariat avec le réseau de paiement numérique Flexa. Concrètement, un client peut payer son bowl ou taco chez Chipotle en scannant son portefeuille crypto, Flexa se chargeant de convertir instantanément la transaction pour le restaurateur. Dans le secteur des cafés, Starbucks s’est également positionné : grâce à une collaboration avec l’application Bakkt, les clients peuvent recharger leur carte Starbucks via du Bitcoin converti en dollars et ainsi payer leur latte en crypto, de façon transparente.
D’autres géants de la restauration ont réalisé des tests ponctuels. Subway fut l’un des précurseurs, avec quelques franchisés acceptant le Bitcoin dès… 2013, à une époque où la crypto était confidentielle. KFC Canada a fait le buzz en 2018 avec un « Bitcoin Bucket », un seau de poulet frit payable en BTC pendant une durée limitée. Burger King a, selon les pays, expérimenté l’acceptation directe de cryptos ou via des cartes cadeaux crypto (en Allemagne, aux Pays-Bas, au Venezuela…), même si aux États-Unis la chaîne n’a pas encore généralisé de tel dispositif. McDonald’s, de son côté, accepte le Bitcoin dans la ville de Lugano (Suisse) depuis qu’il y est monnaie locale officielle, et Pizza Hut au Salvador a dû s’y mettre en 2021 lorsque le pays a fait du BTC une monnaie légale. Aux États-Unis, outre la restauration, des entreprises comme AT&T(téléphonie) ou AMC Theatres (cinémas) acceptent également les cryptomonnaies pour certains paiements, de même que des enseignes de grande distribution via des applications dédiées. Le mouvement est donc large, mais les exemples de paiement crypto direct en point de vente restent encore relativement rares et souvent expérimentaux.
C’est en cela que la démarche de Steak ‘n Shake se distingue : elle représente l’un des tout premiers déploiements nationwide (à l’échelle de tout le territoire) dans le fast-food, là où d’autres ont tâtonné sur quelques magasins pilotes. L’entreprise prend ainsi les devants dans un domaine encore émergent, et son expérience sera observée de près par ses concurrents. Si les paiements en Bitcoin fonctionnent sans accroc et trouvent leur public, d’autres chaînes pourraient être tentées de lui emboîter le pas pour ne pas manquer le train de la crypto.
Une révolution (encore) modeste : limites et enjeux
Malgré tout l’enthousiasme qu’elle génère, cette initiative s’accompagne de son lot de défis. D’abord, la volatilité du Bitcoin reste un écueil majeur. Un jour de forte fluctuation, la valeur en dollars d’un menu peut varier d’une minute à l’autre en BTC : de quoi dérouter commerçants et clients. Certes, en pratique, si Steak ‘n Shake convertit immédiatement chaque paiement en dollars, l’impact sera minime pour le restaurateur. Mais du côté de l’utilisateur, psychologiquement, dépenser 0,0002 BTC pour un cheeseburger peut donner l’impression de « gaspiller » un actif dont la valeur pourrait doubler l’année suivante. Ce frein culturel est réel – on l’a vu par exemple dans le Colorado, où l’État autorise depuis 2022 le paiement des impôts en Bitcoin, sans succès car les citoyens préfèrent garder leurs bitcoins plutôt que de les utiliser pour s’acquitter de taxes. Transformer les détenteurs de crypto en consommateurs actifs ne se fera donc pas du jour au lendemain.
Un autre enjeu réside dans la simplicité et la rapidité du paiement. Le secteur de la restauration rapide porte bien son nom : l’encaissement doit y être ultra-fluide, sans quoi la file d’attente s’allonge et l’expérience se dégrade. Or, intégrer une nouvelle méthode de paiement, qui plus est basée sur une technologie encore peu familière du grand public, représente un véritable stress-test. Steak ‘n Shake va mettre à l’épreuve la capacité du Bitcoin à supporter un volume élevé de petites transactions instantanées, là où chaque seconde compte. Si le moindre délai ou complication survient à la caisse, l’option crypto risque d’être boudée. L’entreprise devra donc veiller à former ses équipes, à communiquer clairement avec les clients sur la marche à suivre, et à prévoir des solutions de secours en cas de pépin technique. Payer en Bitcoin devra être aussi simple que payer par carte – c’est le défi pour espérer une adoption significative.
Enfin, se pose la question de la pérennité et de l’extension de cette initiative. S’agit-il d’un coup d’éclat ponctuel pour surfer sur la mode, ou d’un véritable pari sur l’avenir des paiements ? La direction de Steak ‘n Shake semble croire dur comme fer à la seconde option, en témoigne son ambition affichée d’étendre Bitcoin à l’international et peut-être même d’ajouter d’autres cryptos à l’avenir. Néanmoins, le succès dépendra de la demande effective des clients. Faute d’utilisateurs, l’enseigne pourrait faire machine arrière ou limiter la crypto à un gadget marketing. À l’inverse, si l’initiative attire une nouvelle clientèle ou renforce la loyauté des aficionados de Bitcoin, cela encouragera sa poursuite et son développement.
Sources : Steak ‘n Shake